« Ce n’est pas une vie. Je ne me reconnais plus. Je prie pour que ça finisse. Je n’attends que ça. »
« Je ne savais pas que c’était légal au Canada. Je ne sais pas si je ferai ce choix, mais je me réjouis que la possibilité existe. »
L’AMM étant relativement nouvelle au Canada, les données sur les raisons de la choisir commencent à émerger. Les rapports annuels sur l’aide médicale à mourir au Canada (2019, 2020)listent de la façon suivante la nature de la souffrance des bénéficiaires de l’AMM :
- Perte de la capacité à s’engager dans des activités significatives de la vie
- Perte de la capacité d’accomplir les activités de la vie quotidienne
- Contrôle insuffisant des symptômes autres que la douleur (ou inquiétude à ce sujet)
- Perte de dignité
- Contrôle inadéquat de la douleur (ou inquiétude à ce sujet)
Il est important de noter que la qualité des soins reçus ne fait pas partie des raisons évoquées par les personnes qui demandent l’AMM. Ces personnes mentionnent souvent l'excellente qualité des soins prodigués par leur équipe soignante, leurs aidants et leurs proches.
Si vous ou un de vos proches envisagez l’AMM, ces raisons pourraient vous sembler familières. Peut-être aussi en avez-vous d’autres.
Ressources
La souffrance est une expérience très personnelle. Personne ne peut savoir comment l’autre ressent sa souffrance. Le seuil de tolérance varie d’une personne à l’autre. Il existe différents types de souffrances :
- La souffrance physique est liée à des symptômes comme la douleur et les essoufflements.
- La souffrance émotionnelle est liée à des émotions comme la tristesse, la peur, l’anxiété (p. ex. peur de mourir ou de perdre sa dignité, difficulté de quitter des êtres chers).
- La souffrance spirituelle ou existentielle est liée à des choses comme la foi, le sens de la vie, les croyances et les valeurs.
La souffrance anticipée est une forme de détresse causée par la crainte de l’avenir.
Même une fois tous les critères d’admissibilité remplis et la demande d’AMM approuvée, il se peut que la personne ne soit pas prête à fixer la date. Le simple fait d’avoir cette option peut toutefois réduire son anxiété et lui permettre de se détendre et de profiter à fond du temps qu’il lui reste. Il se peut même qu’elle ne fixe jamais de date et finisse par mourir sans aide, par exemple parce que ses derniers jours ne se sont pas déroulés comme prévu.
De nombreuses personnes refusent que la maladie ou le handicap qui a pris les commandes de leur vie décide aussi du moment de leur mort.
La Dre Madeline Li rapporte ainsi les paroles d’un de ses patients : « Vous devez comprendre que le mot de la fin m’appartient. Vous devez comprendre que je ne veux plus souffrir. Je refuse de laisser mon esprit mourir avant mon corps. » Cet homme ne voulait pas mourir, mais il savait qu’il allait mourir. Comme beaucoup d’autres, il tenait toutefois à décider quand et comment il allait mourir. D’autres ont exprimé le désir de mourir « pendant que je suis encore moi-même ».
[1] Li M., Kain D. The other side of sorrow: physician reflections on assisted dying. CMAJ. 2018 Feb 12;190(6): 169-170.
La perte d’indépendance signifie différentes choses pour différentes personnes. Elle évolue aussi au fil du temps. L’incapacité d’effectuer certaines tâches du quotidien (p. ex. se faire à manger, se laver, se vêtir, faire sa toilette, marcher) est une des raisons parfois évoquées pour demander l’AMM. À d’autres moments, les gens s’adaptent à des pertes d’indépendance qu’ils n’auraient jamais crues possibles. Pour certaines personnes, il sera plus bouleversant de ne plus pouvoir s’occuper de leurs propres finances que d’avoir besoin de soins intimes. Ce n’est pas tout le monde qui supporte mal les pertes d’indépendance, mais pour certains, le fait de devoir compter sur les autres pour certaines choses est une atteinte à leur identité profonde (l’idée qu’on se fait de soi-même).
La perte de la capacité de prendre part à des activités significatives de la vie est la souffrance la plus souvent évoquée par les personnes qui demandent l’AMM. La définition d’une activité significative est personnelle et varie d’une personne à l’autre. Elle est intimement liée à ce qui, pour cette personne, donne un sens à la vie.
Bien qu’elle soit difficile à définir, la perte de dignité fait partie des raisons couramment évoquées de demander l’AMM. Elle peut avoir plusieurs causes : incapacité de s’occuper soi-même de ses soins intimes, perte d’indépendance, impression de ne plus être la personne qu’on était ou d’être à l’écart de la vie. La perte de dignité est une chose très personnelle parfois difficile à expliquer.
Vous ressentez sans doute un éventail d’émotions. Tout soulagement que pourrait vous apporter la possibilité de l’AMM n’efface toutefois pas les autres émotions que vous pourriez ressentir à l’idée de mourir et de quitter vos proches. Peut-être avez-vous peur du jugement des autres. Peut-être vous inquiétez-vous pour un être cher qui devra apprendre à vivre sans vous. Peut-être aussi vous réjouissez-vous que l’AMM soit une option et que votre famille vous appuie dans vos décisions.
« Je n’étais tout simplement pas prête à le laisser partir. Je suis pour l’AMM, mais dans le cas de mon mari, je ne me sentais pas prête... »
« J’appuie sa décision, mais... »
Même si vous comprenez les raisons de votre proche de demander l’AMM et l’appuyez totalement, vous pourriez espérer qu’il ne passe pas à l’acte, ce qui peut traduire au fond un refus d’accepter qu’il souffre ou qu’il va mourir. Vous vivez peut-être un deuil anticipé : des sentiments de deuil qui émergent pendant que la personne est encore en vie.
« Je suis pour l’AMM, mais je ne comprends pas pourquoi il/elle a fait ce choix. »
Vous pourriez avoir du mal à comprendre les raisons de votre proche de demander l’AMM. Vous espérez peut-être que son état s’améliore, tout en sachant que ce n’est pas possible. Vous voulez peut-être plus de temps avec lui, même si vous savez qu’il souffre. Parler ensemble des pensées, émotions et craintes qui vous habitent peut vous faire du bien. Le fait de connaître la date à laquelle la personne va mourir permet d’avoir des conversations importantes qui ne sont pas toujours ou souvent possibles dans d’autres circonstances.