Par : Mike Harlos MD, CCFP, FCFP
Qu’est-ce que l’essoufflement?
La dyspnée est le terme médical employé pour décrire l’essoufflement. On la définit comme une prise de conscience déconcertante de sa propre respiration. Les gens souffrant de dyspnée ont l’impression qu’ils n’ont jamais assez d’air. La respiration peut être plus rapide ou plus lente qu’à l’ordinaire, et plus difficile ou douloureuse.
La dyspnée est plutôt ressentie qu’observée. Habituellement, quand on observe quelqu’un qui respire rapidement ou qui semble y travailler fort, il va déclarer être avare de souffle. Il y a toutefois des personnes qui semblent respirer confortablement, mais déclarent manquer de souffle, et d'autres qui respirent rapidement et avec difficulté sans pour autant être mal à l’aise. La seule façon de savoir si quelqu’un manque de souffle est de lui demander.
Les causes de la dyspnée
La respiration est contrôlée par le système respiratoire, qui prend l’oxygène (O2) requis par le corps et retire le dioxyde de carbone (CO2) qui ne lui est pas nécessaire.
Lorsque nous respirons, un processus s’effectue dans chacun des poumons et permet à l’oxygène de se rendre au circuit sanguin, et au dioxyde de carbone d’en sortir pour ensuite être expulsé du corps. Les globules rouges dans le sang apportent ensuite l’oxygène au reste du corps.
Presque tout le monde a déjà été à bout de souffle. Pour certains, les difficultés respiratoires ne se produisent qu’à la suite d’une activité physique (p. ex., marcher ou monter l’escalier). Pour d’autres, la dyspnée se manifeste quand ils parlent, mangent, ou même se reposent.
On peut manquer de souffle pour diverses raisons :
- Faiblesse générale. La faiblesse globale peut limiter la quantité d’énergie qu’il reste pour exercer l’effort respiratoire.
- Blocage. Les tumeurs et l’enflure peuvent entraver le passage de l’air dans la trachée.
- Troubles pulmonaires. L’accumulation de liquides, les tumeurs, les infections (pneumonie) ou les effets secondaires de traitements pour le cancer (p. ex., chimiothérapie ou radiothérapie) peuvent nuire aux tissus pulmonaires.
- Autres troubles médicaux. Les gens qui ont des antécédents de troubles cardiaques ou pulmonaires (p. ex., emphysème ou asthme) peuvent être davantage ennuyés par la dyspnée.
- Insuffisance de globules rouges (anémie). Un faible taux d’hémoglobine dans le sang signifie qu’il y a moins de « transporteurs d’oxygène » pour faire circuler l’oxygène partout dans le corps.
- Anxiété. Le sentiment d’angoisse peut provoquer l’essoufflement, qui peut à son tour accentuer l’anxiété. C’est un cercle vicieux où un symptôme a pour effet d’en aggraver un autre. Voilà pourquoi le traitement de la dyspnée consiste souvent à traiter, entre autres, l’anxiété.
Faire le tri des symptômes
Afin de déterminer les causes de l’essoufflement, l’équipe de soins de santé posera souvent des questions, procédera à un examen médical ou cherchera à faire des analyses.
Les questions de l’équipe de soins de santé
Votre équipe de soins de santé posera vraisemblablement plusieurs questions à propos de votre dyspnée afin d’en comprendre les causes possibles pour ensuite décider d’un plan de traitement.
- Quelle est la gravité de l’essoufflement?
- Légère, modérée, sévère.
- Sur une échelle de 0 (aucune) à 10 (extrême), évaluez la gravité de la dyspnée. On a couramment recours à cette manière de mesurer la dyspnée.
- Qu’est-ce que vous ressentez? Comment décririez-vous l’essoufflement?
- Difficulté à respirer
- Incapacité de reprendre mon souffle
- Sentiment de pesanteur
- Respiration rapide / lente
- Resserrement
- Frayeur
- Congestion
- Douleur
- Quand l’essoufflement s’est-il manifesté?
- Les symptômes ont-il paru soudainement ou graduellement?
- La dyspnée se manifeste-t-elle lors d’activités physiques ou du repos?
- Qu’est-ce qui atténue la dyspnée?
- Certaines positions
- Repos
- Se taire
- Tentatives de se détendre
- Être en présence de quelqu’un d’autre
- Certains médicaments
- L’oxygène
- Qu’est-ce qui l’aggrave?
- Certaines positions
- Mouvements
- Parler
- Flexions
- Angoisse
- Certains médicaments
- Certaines activités
- Avez-vous déjà été essoufflé? Quand? Que s’est-il alors passé?
- Quels médicaments prenez-vous pour la dyspnée? À quels moments? Depuis combien de temps? Ont-ils causé des effets secondaires?
- Avez-vous recours à d’autres méthodes pour atténuer l’essoufflement? Exercices de respiration, de détente ou autres?
- Dans quelle mesure l’essoufflement nuit-il à la vie de tous les jours?
- Est-ce que l’essoufflement vous empêche de prendre part à des activités régulières?
- De quels sentiments votre dyspnée s’accompagne-t-elle?
L’examen médical
L’équipe médicale voudra vous faire passer un examen complet afin de mieux comprendre les causes de votre dyspnée. L’examen comprendra l’écoute de votre cœur et de vos poumons à l’aide du stéthoscope.
Les analyses
- Une radiographie pulmonaire peut servir à détecter des troubles (pulmonaires ou cardiaques) qui pourraient être à l’origine de la dyspnée.
- Une analyse de saturation du sang en oxygène est un test simple qui consiste à placer une pince douce sur le doigt. Après quelques instants, la machine indique le niveau d’oxygène dans le sang. On peut le faire pendant le repos ou à la suite d’exercices légers.
- Des analyses sanguines peuvent servir à vérifier le niveau d’oxygène dans le sang ou à détecter un cas d’anémie (numération réduite des globules rouges).
D’autres analyses sont aussi possibles, selon l’évaluation de l’équipe de soins de santé et les discussions tenues avec le patient.
Ce qu’on peut faire
Planifiez
La dyspnée est parfois prévisible. Si certaines activités déclenchent toujours l’essoufflement, faites-en part à l’équipe de soins de santé. En effet, certains médicaments pris préalablement à l’activité peuvent atténuer les symptômes.
Tentez de réduire l’anxiété et le stress
Une ambiance tendue ou inquiétante peut aggraver considérablement la dyspnée. Dans plusieurs cas, quand l’anxiété s’aggrave, l’essoufflement s’ensuit. Il convient de discuter des sentiments d’angoisse avec l’équipe de soins de santé afin de déterminer quels moyens de prévention et de traitement s’offrent au patient. Certains trouvent que les médicaments destinés à réduire le stress sont utiles tandis que d’autres préfèrent les techniques de respiration et de détente. Peu importe la solution choisie, l’équipe de soins de santé devrait faire partie intégrante du plan de traitement.
Quelques-uns des conseils suivants pourraient vous être utiles pour réduire l’anxiété et même améliorer la respiration.
- Tentez de vous asseoir tout droit au lit en plaçant des oreillers sous les bras ainsi que derrière le dos et la tête. Gardez la tête et la partie supérieure du corps en position verticale; cette position semble améliorer la respiration. Dans un lit d’hôpital, redressez partiellement le lit. À la maison, assoyez-vous dans un fauteuil réglable doté d’un repose-pieds rabattable.
- Ouvrez une fenêtre pour laisser entrer l’air frais ou placez à proximité un ventilateur marchant à basse vitesse.
- S’il y a obstruction dans un poumon, couchez-vous sur ce côté-là; en effet, cette position favorisera la circulation d’air dans l’autre poumon.
- Réduisez vos activités physiques à l’essentiel et faites en sorte que ces activités soient ponctuées de moments de repos.
- Le fait de prendre des médicaments (tels des opioïdes) avant une activité peut être bénéfique. Demandez à un professionnel des soins de santé quel serait le meilleur moment de les prendre.
- Tentez d’éviter toute activité physique qui risque d’exacerber la dyspnée (p. ex., monter l’escalier, se pencher). Tirez vos bas et mettez vos souliers quand vos êtes assis.
- Gardez les pièces fraîches en réduisant l’humidité des environs.
- Changez la literie plus souvent si elle est humectée de transpiration.
- Utilisez de la pommade pour les lèvres, et si vous avez la bouche sèche, rincez-la à l’eau.
- Évitez la fumée de cigarettes. Ne fumez jamais et n’allumez jamais une allumette dans une pièce où l’on donne de l’oxygène, car cela présente un grand risque d'incendie.
- Évitez les allergènes qui peuvent aggraver l’essoufflement.
Explorez des techniques de détente
Puisque l’anxiété a souvent pour effet d’aggraver la dyspnée, ces techniques sont des moyens de vous calmer et de vous décontracter. Si certaines de ces techniques vous causent davantage de stress, il est conseillé de les éviter.
- Les exercices de respiration
Inspirez par le nez et expirez par la bouche tout comme si vous faisiez des bulles à travers une paille. Le fait de consacrer toute votre attention à la respiration peut soulager la dyspnée.
- La distraction
Parfois, le fait de regarder la télé ou d’écouter la radio peut détourner l’attention du patient de sa dyspnée.
- La visualisation
La visualisation ressemble à une rêverie intentionnelle en ce sens qu’elle aide à réduire le stress et l’angoisse. Il s’agit d’imaginer une scène paisible pour ensuite porter votre attention sur les images calmes et apaisantes qu’évoque cette scène.
- La relaxation musculaire progressive
Cette technique consiste à serrer et à desserrer les muscles, en commençant par les pieds et en remontant tranquillement jusqu'à la tête. Détendre le corps permet de détendre l’esprit.
- Le massage
Le massage peut être très apaisant pour certaines personnes. Il consiste à caresser, effleurer ou frotter les muscles à main nue, en mouvements circulaires. Le massage détend les muscles et stimule la circulation sanguine à l’endroit touché.
Tuyau : Qu’importe le traitement choisi pour la dyspnée, l’équipe de soins de santé doit se fier aux réactions du patient afin d’en évaluer l’efficacité. La description même du patient quant à son essoufflement est plus fiable que les signes de difficulté respiratoire.
Une note aux membres de la famille
Il n’est pas toujours facile de savoir si quelqu’un manque de souffle, car la dyspnée est plutôt ressentie qu’observable.
Habituellement, une personne qui respire vite ou qui semble éprouver de la difficulté à respirer va déclarer être à bout de souffle. Cependant, certaines personnes se sentent essoufflées même si elles respirent plutôt bien, tandis que d’autres respirent rapidement et se sentent très bien.
La meilleure façon de savoir si quelqu’un est à bout de souffle, c'est de lui demander.
Si vous prenez soin d’une personne qui manque de souffle, tentez de la rassurer. Votre calme pourrait mener à l’amélioration de sa respiration. Dans la mesure du possible, évitez les sujets épineux.
Préoccupations au sujet de la somnolence
Songez à parler à l’équipe médicale si vous êtes inquiets quant au niveau de somnolence chez le patient. Les membres de la famille doivent aussi être au courant des discussions (ou encore y participer) au sujet de l’importance d’équilibrer les médicaments prescrits pour traiter la dyspnée sans pour autant accroître leur effet sédatif. La somnolence et la dyspnée peuvent toutes deux être stressantes pour la famille.
La somnolence peut aussi découler du déclin de l’état de santé du patient. L'énergie que déploie l'organisme pour respirer peut avoir un effet direct sur le niveau d’éveil du patient.
Fluctuation de la respiration à l’approche de la mort
On observe souvent des changements précis de la respiration aux dernières heures (ou jours) de la vie. Ces fluctuations ne signifient pas forcément que le mourant est à bout de souffle.
Voir aussi : Quand la fin est proche
Ce que peut faire l’équipe de soins de santé
Si le manque de souffle est source de détresse, il faut d'abord traiter la sensation d'avoir besoin d’air. L’équipe de soins de santé en profitera sans doute pour chercher les causes du problème.
La cause de la dyspnée n’est pas toujours traitée. En effet, il se peut que le traitement ne soit pas possible ou que vous et votre équipe de soins de santé soyez d’avis que les analyses ou le traitement seraient trop pénibles ou difficiles.
Heureusement, même si la cause de la dyspnée n’est pas traitée, il y a plusieurs façons de traiter le manque de souffle, même dans le contexte des soins palliatifs.
Voici les principaux traitements :
- médicaments
- oxygène
- changements de mode de vie
Traiter le manque de souffle à l’aide d’opioïdes
Les opioïdes sont un groupement de médicaments qui englobent entre autres :
- la codéine
- la morphine
- l’hydromorphone
- le fentanyl
- l’oxycodone
- la méthadone
Ces médicaments ne présentent aucun danger lorsqu’ils sont administrés sous la surveillance d’un professionnel des soins de santé expérimenté.
Souvent, les gens qui souffrent de dyspnée prennent déjà des opioïdes pour gérer la douleur. Dans de tels cas, il peut suffire d’augmenter la dose d’opioïdes chez le patient afin d’atténuer la sensation de manquer d’air.
Personne ne sait exactement comment les opioïdes arrivent à contrôler le manque de souffle, mais on constate que ces médicaments améliorent la respiration des patients. Bon nombre de professionnels des soins de santé croient à tort que les opioïdes ne devraient jamais servir à traiter la dyspnée de peur de ralentir la respiration. Cependant, il existe suffisamment de preuves pour conclure qu'une modification judicieuse de la dose d’opioïdes (comme la morphine) pour traiter la détresse respiratoire ne présente aucun danger.
Pour plus de renseignements sur les opioïdes, voir la section intitulée La douleur.
Traiter la dyspnée à l’aide d’autres médicaments
Quand la dyspnée est de gravité moyenne à élevée, ou que le manque de souffle est une grande source d'anxiété pour le patient, on peut avoir recours à d’autres médicaments de concert avec les opioïdes :
- des médicaments servant à atténuer l’anxiété, y compris le lorazepam (Ativan®), le midazolam ou le diazépam; parmi les effets secondaires possibles de ces médicaments, soulignons la somnolence et la confusion, notamment chez les personnes frêles ou âgées;
- des médicaments destinés à traiter l’agitation, tels la chlorpromazine (Largactil® et autres) et la lévomépromazine (Nozinan®); au nombre des effets secondaires de ces médicaments, soulignons la somnolence, une baisse de la tension artérielle, des tremblements et une rigidité musculaire semblable à celle qu'éprouvent les personnes atteintes de la maladie de Parkinson.
Il ne faut pas perdre de vue que si l’on vise à traiter les causes sous-jacentes de la dyspnée, d’autres médicaments pourraient alors s’imposer. Par exemple, on pourrait prescrire des médicaments pour traiter une infection ou des troubles pulmonaires ou cardiaques chroniques.
Traiter la dyspnée à l’aide de l’oxygène
L’oxygène peut être recommandé pour le patient recevant des soins palliatifs qui est à bout de souffle, surtout si les analyses révèlent une faible teneur en oxygène dans le sang.
L’oxygène administré à l’aide d’un masque à oxygène ou de pinces nasales (petits tubes de plastique placés dans le nez) peut soulager la sensation de manquer d’air. Le masque transporte de l’oxygène par le nez et la bouche, mais certaines personnes ressentent alors une claustrophobie et sont plus inquiètes de leur respiration. Dans plusieurs cas, les pinces nasales conviennent bien à la situation. Même si le patient ne semble respirer que par la bouche, ces tubes sont efficaces car l’oxygène véhiculé par les pinces est aspiré jusqu’aux poumons.
À domicile, l’oxygène peut être administré à l’aide d’un réservoir d’oxygène portatif ou d’un appareil qui condense l’oxygène tiré de l’air.
Attention : L’oxygène et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)
Par BPCO, on désigne un ensemble de maladies pulmonaires qui regroupent, entre autres, l’emphysème et l’asthme chronique. Pour la plupart d’entre nous, la respiration est provoquée lorsque notre corps décèle une augmentation de dioxyde de carbone dans le sang. Pour certaines personnes atteintes de BPCO, la respiration est déclenchée par un faible apport d’oxygène.
Si une personne souffrant d’une BPCO reçoit de fortes concentrations d’oxygène, son corps ne se mettra peut-être pas à respirer, car une quantité importante d’oxygène s’y trouve déjà. La personne respirera possiblement à un rythme inférieur à ce qu’il lui est nécessaire, ce qui peut s’avérer très dangereux.
Dans de telles situations, l’oxygène est administré en faibles doses et augmenté en fonction du seuil de tolérance du corps. On peut aussi recourir à un masque spécialisé pour administrer des quantités d’oxygène plus exactes que celles que l’on obtiendrait au moyen des attaches nasales.
Contenu revu en mai 2019